Trois journées de conférences, d'ateliers et d'exposition.

Journée 1

L’intrusion de l’olfactif sur le territoire de l’art et du design

Journée 2

Entre pouvoir des senteurs et manipulations olfactives

Journée 3

Les métiers de l’olfactif

Ce colloque a pour ambition de sortir l’olfactif de son territoire de l’intime au public, et de mobiliser un réseau interdisciplinaire de chercheurs, de professionnels et de créateurs pour explorer les possibilités de la création-recherche en olfaction.

Présentation

La question de la création-recherche est apparue en France, à Paris, dans les années 1970 suite aux événements de 68, dans le milieu de l’art et de l’université, avec d’une part l’introduction des études universitaires en arts plastiques et d’autre part une réflexion sur les rapports entre les arts et les sciences. En effet, cette démarche souhaite réunir les pratiques artistiques et pratiques scientifiques dans le but d'expérimenter un stade de la recherche plus libre de ses propres outils et langages, tout en expérimentant des voies qui permettent à l’art de devenir une discipline scientifique. Ce décloisonnement génère de nouveaux savoirs à travers un travail d’équilibriste entre la création et la recherche, par un va-et-vient permanent, entre théorie et pratique via l’expérimentation et l’expérience. Sur cette idée Pierre Gosselin constate que “ [...] la recherche en pratique artistique est directement liée à la nature de cette même pratique qui va et vient continuellement entre d’une part, le pôle d’une pensée expérientielle, subjective et sensible et, d’autre part, le pôle d’une pensée conceptuelle, objective et rationnelle.”

Ainsi, que ce soit, la création recherche (Barrès, 2020) ou la recherche-création (Léchot Hirt, 2010), la recherche création (Gosselin, 2009), etc., selon les différents auteurs francophones (France, Québec, Suisse), cette démarche semble porter un regard macroscopique et interdisciplinaire. Elle regroupe toutes les différentes formes de création en sciences humaines et sociales (design, danse, théâtre, musique, littérature, poésie, architecture, ...), mais elle peut, ou pourrait, aussi concerner toutes les autres catégories de sciences (chimie, biologie, ingénierie, médecine, …) qui s’intéressent à la création olfactive. L’envie de combiner, de faire collaborer différentes disciplines offre alors la possibilité d’inventer de nouvelles productions de connaissances et d’innovations, pour observer, comprendre et penser le monde par le prisme de l’olfactif.

De nombreux événements ont eu lieu, sur le thème de la “création recherche”, ces dernières années, en France. Mais ce colloque cible plus particulièrement la “création-recherche olfactive”. Cette dénomination regroupe diverses pratiques comme l’art olfactif, ou le design olfactif, le théâtre olfactif, etc. Ces pratiques diverses et interdisciplinaires, mêlent l’art et les sciences autour du thème commun de l’olfaction. En Occident, l’olfaction est longtemps restée impensée et dénigrée par ignorance, par amalgame à l’insalubrité et à l’animalité, mais aussi parce qu’elle a été liée au refoulement du partage collectif de l’intimité individuelle (ce qui change depuis la démocratisation d’internet). Cependant, depuis le début des années 2000, et la découverte, en France, de la création olfactive dans d’autres pays comme le kôdô au Japon (Jaquet, 2018), par exemple, l’olfactif change de statut. Les spectacles d’art total, polysensoriels et immersifs ont participé au développement de cette rencontre entre art et sciences par l’intermédiaire du parfum, et le développement de recherches entre ces domaines. Entre hybridation: une connexion laissant apparaître des fragments de plusieurs disciplines, et fusion: un mélange total des disciplines, différents degrés existent. Mais ces expériences ont abouti à la mise en place d’un dialogue qui déplace le clivage habituel entre art et sciences, en développant des connaissances olfactives dans tous les domaines, et en multipliant les regards prismatiques révélant la multiplicité des facettes de ce qui fait l’olfactif dans sa globalité. Les créations olfactives ont-elles permis de faire avancer la recherche ? Ou est-ce la recherche qui a permis de faire avancer la création olfactive? Ce rapprochement de l’art et la recherche par l’intermédiaire des sciences, et cette réciprocité a produit l’emballement que nous connaissons actuellement avec l’accroissement des connaissances olfactives.

Le parfumeur Edmond Roudnistka (1905-1996) qui durant toute sa vie s’est battu pour faire reconnaître la création du parfum comme un art, ne concevait probablement pas cet aboutissement. Son combat, toujours d’actualité bien que problématique pour le milieu artistique, a ensuite été repris par sa fondation et d’autres parfumeurs.

Chantal Jaquet avec l’Art olfactif contemporain (2014) ne fait que confirmer cette mutation de l’art avec l’introduction des artistes plasticiens qui s’intéressent à l’olfactif, et explorent ainsi non pas seulement les arts visuels, mais la polysensorialité et l’interdisciplinarité. Aujourd’hui quel est le métier du parfumeur: “chimiste”, “créateur”, “designer”, "artiste'', autant de spécialistes qui s’intéressent au parfum et à l’olfaction en ayant une activité de création et de recherche mêlant pratique et théorie. Souvent, comme l’évoque Maurice Maurin, le parfumeur intègre une équipe pluridisciplinaire avec des designers, urbanistes, architectes, ingénieurs, physiciens, etc. La création du parfum comme l’exprimait d’une certaine façon E. Roudnitska, et ce qui lui posait sans doute problème, se situe au carrefour arts-sciences, dans un processus de création-recherche permanent. Fabriquer et penser le monde de l’olfaction au XXIe siècle, comment cela se développe-t-il?

D'Edmond Roudnitska à Sissel Tolaas, en passant par le kôdô ou Boris Raux, par exemple, mais aussi Gaetano Pesce ou Philippe Starck, une multiplication de ces activités créatrices se développent autour des thèmes de l’olfaction et du parfum.

Axes de réflexion

Quels sont les créa(c)teurs de l’olfactif ? Les récits des parfumeurs comme, par exemple, ceux de Jean-Claude Ellena, nous renseignent sur la création ou conception de la composition d’un jus. Mais le plasticien Boris Raux utilise des matériaux odorants fabriqués par l’industrie (savon de Marseille, déodorants parfumés, …) pour construire des installations olfactives qui fonctionnent comme un miroir, ou une loupe grossissante, pointent et critiquent nos pratiques culturelles olfactives. Parfois les mêmes personnes conçoivent et réalisent des matériaux odorants et des mises en espace de ces créations comme Sissel Tolaas ou Julie C.Fortier. D’autres fois, les projets rassemblent plusieurs corps de métiers. Quels sont ces acteurs? Quel(s) est/sont leur(s) métier(s) ? En quoi sont-ils créateurs-chercheurs olfactifs ?

Quelles sont les formes et les intentions de productions ? Que font les créateurs olfactifs ? Que conçoivent-ils? Ou produisent-ils? Peut-on parler de produits ? D'œuvres ? De pratiques? De performances? … Quelle(s) sensorialité(s) est/(sont) en jeu ? Comment nommer, décrire et qualifier la création-recherche olfactive contemporaine, mais aussi passée, en France et à l’étranger ? Vers quelle(s) direction(s) se dirige-t-elle?

Quelles sont les pratiques (et les méthodes) d'intégrations et d’odorisations ? Quelles sont les avancées technologiques en matière de parfum et autour du parfum ? Quelles sont les méthodologies de recherche et de pratique de la création-recherche olfactive? Quelles sont les démarches de création et de recherche lors d’un projet de création-recherche olfactive?

Vers les enjeux actuels... Quel est/(sont) le(s) processus créa(c)tif(s) ? Qu’est-ce que créer de l’olfactif ? Plus d’un siècle après l’introduction des ready-made de Marcel Duchamp, à l’heure des prises de conscience écologiques, de la réduction des objets et de la multiplication des images, qu’est-ce que cette émergence olfactive? De quoi est-elle le “signe”, le "symptôme" ou les "sens" (significations, orientation/directions, sensations) ? Qu’elle est l’expression, la place et le rôle des pouvoirs cognitifs, émotionnels, mémoriels, subversifs ou plastiques de la création-recherche olfactive ?

Esquisse cartographique de la création parfumistique

Parallèlement à ce colloque, nous lançons un recensement, participatif, des métiers et pratiques de la création-recherche olfactive, en vue de tracer les contours d’une cartographie de ces métiers et pratiques, souvent isolés, et peu connus, donc pas encore interconnectés et reconnus.


Evènement hybride

Conférences sur place ou à distance en direct

Ateliers et exposition uniquement sur place